L'oeil, reflet de la santé. Revue Santé Intégrative. Dr Bernard ROSA
À travers les proverbes, l’inconscient collectif considère les yeux comme un miroir de l’âme, et le scientifique les voit comme de véritables fenêtres lui permettant d’observer le cerveau. Reflèteraient-ils la santé ?
En 1727, le chirurgien français F. Pourfour du Petit remet à l’académie royale un Mémoire dans lequel il est démontré que « les nerfs intercostaux fournissent des rameaux qui portent des esprits dans les yeux ». Il y remarque, « par quantité d’expériences faites sur les animaux vivants que l’excitation des nerfs intercostaux fait devenir les yeux plus brillants, plus vifs et plus éveillés et les pupilles plus dilatées. La section de l’un de ces nerfs amène une constriction pupillaire, un retrait du globe de l’œil correspondant et une saillie de la troisième paupière qui s’avance au devant de l’œil. De plus, elle provoque des troubles trophiques oculaires, un affaissement de la cornée et une hyperhémie de la conjonctive » qu’il attribue « à une légère inflammation de la conjonctive par le gonflement des vaisseaux ». Du même côté s’y ajoutent un larmoiement, une baisse de la tension oculaire, une érection des poils, une pâleur du visage et du cou par vasoconstriction et un excès local de sudation ou hyperhydrose.
Le syndrome Claude Bernard-Horner
Ce syndrome, dit de "Pourfour du Petit", résulte de la stimulation, de l’excitation voire de l’irritation de cellules nerveuses ou de nerfs du système orthosympathique. La mise au repos, la paralysie, voire la destruction de ces neurones ou de leurs nerfs donne le syndrome inverse. Il comporte principalement une rétraction des pupilles ou myosis, un ptosis ou rétrécissement de la fente des paupières, un enfoncement des yeux dans les orbites ou enophtalmie, une sécheresse oculaire, une augmentation de la tension oculaire, une rougeur du visage et du cou par vasodilatation, une atonie pilaire, une absence de sueur locale ou anhydrose, des spasmes des muscles de la narine, de l’oreille et de la moitié de la bouche du côté touché. Il a été décrit en 1869, par un autre médecin français, Claude Bernard-Horner, célèbre physiologiste.
Sauf pour les lésions graves ou installées depuis longtemps, un syndrome est rarement complet et la présence d’un seul de ces signes, notamment s’il prédomine d’un côté, justifie le recours à un thérapeute compétent. De même, l’apparition d’une de ces manifestations au cours d’un traitement doit inciter à suspendre les soins car il témoigne de l’épuisement ou de l’irritation du patient, de son système nerveux, de son humeur… Le non respect de ces précautions conduit souvent à des réactions désagréables comme des douleurs, un malaise vagal impressionnant, un rejet du traitement ou du thérapeute, voire pire…
Les pupilles
Car la taille des pupilles dépend de nombreuses circonstances, pas toutes pathologiques :
- Les sensations (gustative, tactile, auditive) désagréables et/ou les excitations psychiques (peur, émotion, joie) dilatent les deux pupilles.
- Hormis pour le nerf trijumeau, l’excitation d’un nerf sensitif dilate les pupilles.
- Une légère constriction de la pupille est provoquée par la fermeture de sa paupière ou quand l’attention du sujet se porte de son côté.
- L’irritation de la partie antérieure du globe oculaire dilate la pupille du même côté.
- Diverses substances chimiques interviennent sur le diamètre des pupilles. Exemples : la belladone, l’atropine, la cocaïne…
- L’hypertonie orthosympathique et/ou l’hypotonie parasympathique provoquent un myosis.
- L’hypotonie orthosympathique et/ou l’hypertonie parasympathique donnent une mydriase.
- Les dystonies neurovégétatives, fréquentes chez les instables et chez les craintifs, favorisent des alternances rapides et visibles de myosis et de mydriases appelées hippus.
Ceux qui s’intéressent aux mécanismes qui régissent ces phénomènes pourront se référer à l’excellente thèse présentée par Mme Florence Angelique-Talbot pour l’obtention de son grade de docteur en médecine. Son texte, disponible sur internet, a été déposé en 1995 sous le numéro 3054, à la faculté de Médecine de l’université de Caen.
L’œil et l’ostéopathie
Bien qu’il leur faille consulter, ceux qui présentent l’un de ces signes, voire plusieurs, ne doivent pourtant pas s’inquiéter outre mesure. Dans la plupart des cas, il ne s’agit que d’irritations neurologiques bénignes présentes dans nombre de pathologies dont certaines ont été abordées dans cette revue : spasmophilie, fibromyalgies, dysfonctions digestives ou génitales, gestuelles et surtout respirations inadaptées aux situations…
Ma pratique de la médecine manuelle me confronte donc quotidiennement à des expressions plus ou moins tronquées de ces syndromes. Je les recherche avec une multitude d’autres petits signes tels que la morphologie et la physionomie du corps et du visage, les gestuelles et les mimiques lors des rapports à l’autre et à soi-même, le son de la voix, les façons de se tenir, de bouger, de marcher et de respirer, etc. Elles esquissent mon diagnostic préclinique qui m’aide à envisager plusieurs motifs de consultation, avant que ne débute l’interrogatoire.
Cette approche, qui nécessite une attention particulière et des sens éduqués, se poursuit lors de l’interrogatoire, de l’examen clinique et du traitement. Rapides, efficaces et peu fatigantes, ces constatations se mêlent aux autres temps de l’acte thérapeutique. Elles les précèdent, les précisent et les orientent tout en évitant de trop les diriger. Leur recueil, leur interprétation et leur utilisation fluctuent au grè des situations et des compétences de chacun. Heureusement, la plupart du temps, plusieurs chemins conduisant au même but, à nous de choisir celui qui nous semble le mieux convenir au moment présent.
Bien qu’il y soit rarement confronté, dans le cadre de ses fonctions, le thérapeute en ostéopathie ne saurait ignorer la signification des signes cliniques oculaires de la médecine conventionnelle. Par exemple, quand le blanc des yeux devient jaune, il faut évoquer la présence dans le sang d’un excès d’une molécule appelée la bilirubine qui est produite par la destruction des globules rouges et qui est, normalement, éliminée dans la bile par le foie. Par contre, quand le blanc des yeux devient top pâle, il pensera à une anémie, s’il est ponctué de petites taches rouges, il lui faut trouver les causes de ces saignements ou pétéchies…
Outre les symptômes des syndromes de Pourfour du Petit et de Claude Bernard-Horner, la médecine manuelle s’intéresse également à la synergie qui existe entre les muscles oculaires et ceux de la nuque, voire avec la respiration pour faciliter ses diagnostics et ses traitements. Elle est aussi très attentive aux parésies et aux paralysies oculaires ainsi qu’aux nystagmus dont les mouvements rapides des yeux évoquent, dans certains cas, des atteintes neurologiques graves… Par contre, elle paraît peu réceptive aux modifications de la direction du regard, utilisées dans des techniques de communication comme la programmation neurolinguistique. Elle semble aussi peu considérer l’iridologie…
Nos yeux et nos autres sens améliorent notre perception de nos patients et, notamment, de leurs yeux qui nous fournissent d’innombrables informations susceptibles de nous guider dans notre difficile tâche de les soigner au mieux de nos compétences.
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