Les forces de l’invisible: Thérapie au Bénin.

Revue Hypnose et Thérapies Brèves 62
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Dr Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND.

Médecine vodoun, médecine de l’âme. Dans un village du Bénin règne une atmosphère toute particulière. Des patients atteints de troubles psychiatriques chroniques vivent là, entourés de leur famille et de tous ceux qui forment cette communauté régie par la guérisseuse du lieu, elle-même secondée de ses enfants et de ses apprentis. La médecine vodoun y est pratiquée. Elle fait appel aux forces du monde invisible peuplé de divinités (lwas) et d’esprits.

Ici, il ne s’agit pas de soigner des maladies dites « naturelles » dont la cause et les traitements appartiennent au monde visible et à la médecine classique, mais des maladies dites « expédiées », conséquences de l’action sur les hommes d’esprits, de forces de la nature ou de divinités et dont la cause et les traitements sont à rechercher dans le monde de l’invisible. Dans la cosmologie vodoun, la déesse créatrice reste à jamais inaccessible mais les forces qui habitent le monde invisible exercent sur les êtres humains une vraie influence. Dans l’univers, tout concourt à être en équilibre et l’homme, plongé dans l’ensemble des interactions qui le relie au tout, vit en harmonie avec les êtres qui l’entourent et les forces du monde invisible.

La maladie « expédiée », provoquée par un agent extérieur (esprit, divinité, sort jeté...), indique alors que cet équilibre est rompu. Elle fait signe, elle avertit d’une offense faite à un esprit, de la transgression d’un code social, de l’imminence d’un événement plus ou moins grave... Il convient donc de prendre en compte cette maladie, de comprendre ses besoins. La médecine vodoun, médecine de l’âme, s’adresse alors aux forces de l’invisible pour connaître la cause de la maladie et obtenir d’elles assistance.

Les maladies sont reliées à des divinités telles que Adukake, Avosa, Âgahukponô et Sakpata, divinité de la terre ; chaque guérisseur vodoun est lié à une de ces divinités. Ces praticiens traditionnels possèdent des connaissances transmises de génération en génération. Ils maîtrisent l’art divinatoire ancestral (fâ) qui permet de « lire », à partir de divers supports (chapelet de coques, coquillages ou pierres), les multiples combinaisons de signes et les messages adressés par les esprits, ils connaissent le secret des plantes, les vertus des danses et de la musique ainsi que l’efficacité et l’ordonnance précise des rituels de guérison.

Interroger les esprits sur la « cause de la cause »

La première tâche du guérisseur est la quête de la « cause de la cause », ou dit autrement, la recherche du « lieu » d’où provient la maladie expédiée, afin de s’adresser ensuite aux esprits responsables de la maladie. Pour cela, il écoute le corps et l’esprit du malade pour y détecter les indices le menant à une origine probable dans le monde de l’invisible. Par sa pratique de l’art divinatoire, il interroge les esprits sur la « cause de la cause » et la manière de traiter la maladie. Il observe la réaction du malade après l’administration de quelque décoction de plantes dont les effets sont spécifiques de telle ou telle maladie. Certaines de ces plantes, aux vertus psychotropes, permettent de délier une parole qui ouvrira une porte sur l’invisible, tout comme le font les rêves auxquels le guérisseur s’intéresse, en particulier chez les enfants. Il faut parfois des mois pour connaître la cause de la cause.

S’il ne nomme jamais explicitement la maladie, de peur de la provoquer ou de l’aggraver – préférant un discours allusif – le guérisseur, pour autant, use de gestes précis qui définissent une sorte de langage adressé aux divinités. Dans le village thérapeutique (ou « psychiatrique ») dont il est question, la guérisseuse offre à ceux qu’elle accueille un cadre sécurisant ; chacun y occupe sa place, malade ou non, en harmonie avec l’ensemble de la communauté. Les repas, les soins, les rituels, tout est partagé. Dans cet espace de vie qui délimite l’espace de soins, la praticienne, liée ici à la divinité Sakpata, demeure disponible à tous, nuit et jour. Elle administre des traitements à base de plantes, ordonne des sacrifices, organise des rituels prompts à « extraire » la maladie ou des séances où les patients jouent leur musique, dansent et chantent leurs émotions ou leurs désirs indicibles. Dans l’univers ainsi créé, chaque geste ou rituel, loin de faire appel à une quelconque charge symbolique, constitue en réalité une « mise en acte » qui concourt à installer un nouvel équilibre dans les interactions du patient avec ce qui l’entoure. Certains rituels sont en ce sens très évocateurs, nous en évoquons quelques-uns.

Ensemble de rituels, appel aux forces de l’invisible

A l’arrivée du patient dans le village, une fois le« diagnostic» de la « cause de la cause » établi par la praticienne traditionnelle, la personne est entravée, physiquement, par des fers qu’elle gardera tout le long de son séjour jusqu’à sa guérison. Bien que ralentie dans ses déplacements par ces entraves, elle participe pour autant à toute la vie sociale et communautaire. Outre les rituels de purification du patient tout au long de son séjour, les rituels « de sortie », effectués lorsque le patient est considéré comme guéri, parfois après de longs mois, illustrent ….. Pour lire la suite et commander la Revue Hypnose et Thérapies Brèves n°62



Dr Sylvie Le PELLETIER BEAUFONDDr Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND Médecin-psychothérapeute depuis 1991 en libéral. Elle est également thérapeute systémique de famille et de couple. Elle intervient dans le champ professionnel, universitaire. Formatrice, elle reçoit des professionnels en supervision. Formée par Jean Godin à l’Institut Milton Erickson de Paris et par Mony Elkaïm, sa pratique clinique s’inspire de la pensée de François Roustang. Sylvie Le Pelletier-Beaufond est membre du Cercle d’Hypnose contemporaine, de l’Institut Milton Erickson Ile-de- France, et membre de la Société française de Thérapie familiale.

Diplômée de l’Institut National de Langues et Civilisations Orientales et de La Sorbonne Nouvelle en Etudes Iraniennes.

Diplômée de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (Ephe-Paris) section Sciences des Religions, recherches en cours au sein Ephe, section Religion et systèmes de Pensée.


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Rubriques
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