Les TAC en soins palliatifs.

Etoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactivesEtoiles inactives
 

Une brève histoire de l’hypnose et des soins palliatifs.

 Lorsque le docteur Michèle Salamagne invita le docteur Jean Becchio à rejoindre l’équipe de l’unité de soins palliatifs (USP) de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif, aucun de ces pionniers, chacun dans leurs domaines, ne parlait encore de Techniques d’activation de conscience : TAC ! Pourtant, dans cet hôpital de l’Assistance publique- Hôpitaux de Paris qui a vu jadis le professeur Leon Chertok défendre l’hypnose et où la première USP de cette institution fut créée, la rencontre de deux univers a grandement contribué à l’évolution actuelle de ces deux approches.

Nous allons ici décrire à la fois l’importance du recours à l’hypnose, dans le domaine particulier des soins palliatifs, et comment cette expérience a nourri et simplifié les pratiques traditionnelles pour conduire aux techniques d’orientation de l’attention que développent actuellement les TAC.

LE DÉPLOIEMENT D’UN OUTIL

Au tournant des années 2000 l’hypnose est déjà connue et utilisée par certains soignants pour lutter contre la douleur. Pourtant elle ne fait pas encore partie des compétences couramment rencontrées dans les unités de soins palliatifs de l’époque. Le traitement de la douleur y est l’affaire des médicaments antalgiques et d’une approche globale prenant en compte le contexte social et psychologique dans lequel survient la maladie grave et la fin de vie du patient hospitalisé. Le concept du « total pain » développé par Dame Cicely Saunders au St. Christopher’s Hospital de Londres sert de principale référence conceptuelle. Ce modèle avec son offre de soins interdisciplinaires est déjà bien institutionnalisé dans les USP de première génération – l’USP de l’hôpital Paul- Brousse est créée en 1990. Il permet à un nombre important de compétences de construire un projet de soins unique sans risque de dispersion des initiatives. Lorsque l’hypnose arrive dans ce service, il s’agit d’abord de découvrir la place qu’elle peut occuper dans cette organisation pour participer à cette synergie. Dans un premier temps, il est proposé un accompagnement hypnotique par le médecin lors de soins infirmiers douloureux. Très vite, les premiers soignants s’approprient cet outil visant un soulagement immédiat, capable de s’intégrer aux interventions de chacun et les faciliter. Cette efficacité du soulagement et la simplicité de l’accompagnement font logiquement naître une demande de formation plus large au sein de l’équipe soignante.

Là où la technique pouvait être initialement regardée par certains comme étrangère, son recours vient intégrer et compléter les différentes interventions : soins de nursing, kinésithérapie, psychomotricité, soutien psychologique... Dans une étude réalisée à l’hôpital de jour de soins palliatifs de l’USP par Lambert Vadrot, infirmier DE, présentée au congrès de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) en 2010, le confort estmesuré par une échelle verbale simple avant et après un soin bénéficiant d’un accompagnement hypnotique (accompagnement dans un souvenir) double. Dans un second temps, la technique est élargie pour sortir du champ des seuls exercices structurés. Car l’utilisation du langage, des reformulations, des mots à caractère agréable, du vocabulaire du patient, des mots mobilisateurs... sont en eux-mêmes des moyens efficaces pour apporter un soulagement, mobilisables dans toutes les formes d’interactions. Une simple harmonisation et le patient se sait écouté, entendu dans la plainte qu’il exprime et va mieux ; une ratification et le voici rassuré sur l’existence de ses ressources et encouragé dans sa recherche de solutions ; une suggestion et le voici aidé à découvrir par lui-même des pistes utiles à la résolution de son problème, là où il aurait rejeté un conseil.

Tels des Monsieur Jourdain, nous réalisons émerveillés que nous utilisions de façon naturelle et empirique ces modes d’expressions favorisant le soulagement ! Nous découvrons aussi combien nous commettions de fautes, de barbarismes : « Cela ne va pas faire mal... », « ce n’est pas grave... », « la morphine va vous soulager mais provoquer une constipation... », « attention, je vous pique »... En apprenant la grammaire et en perfectionnant notre syntaxe, nous dépassons la simple prise de conscience de l’importance thérapeutique du langage. Nous l’érigeons en compétence. Après un programme de formation courte, le travail en équipe permet d’encourager chaque professionnel dans ce temps d’appropriation et de personnalisation de l’outil. Chaque contact entre le patient et un soignant devient l’opportunité de potentialiser l’efficacité d’un soin par une communication appropriée... et les interventions sont fréquentes au chevet d’un patient hospitalisé. Sans doute ce recours collectif au langage qui soigne, dans une culture d’équipe, produit-il un effet cumulatif et renforce l’efficience générale du dispositif.

L’APPROPRIATION D’UNE TECHNIQUE

Après un simple exercice d’accompagnement dans un souvenir et quelques instructions, le patient devient compétent. Il est capable d’installer un plus grand confort lorsqu’il en éprouve le besoin. Quand il hésite à prendre un comprimé de plus pour soulager un symptôme par peur d’un effet indésirable, un autre choix s’offre à lui que de souffrir ou subir. Souvent il peut mettre en place un bon niveau de soulagement sans avoir besoin d’alourdir son traitement. Un bénéfice lorsqu’on sait que la fatigue liée à la maladie rend malvenu tout ce qui réduit encore la lucidité ou l’énergie disponible pour profiter de la vie, de la présence des proches... Combien de malades nous diront apprécier ne plus avoir à attendre qu’une angoisse ou qu’une douleur passe, car ils savent quoi faire : aller activement chercher le soulagement rapide apporté par un exercice qu’ils ont appris, dont ils ont constaté l’efficacité et dont l’équipe en courage l’utilisation. Ce temps gagné est en ces circonstances particulières de la vie un espace de liberté appréciable, quelle que soit sa durée.

Cet apprentissage de l’auto-activation vient restaurer une autonomie mise à mal par la maladie, les soins et l’hospitalisation. La reviviscence de ressources et de compétences lors de l’exercice d’accompagnement dans un souvenir d’apprentissage s’ajoute au soulagement du symptôme désagréable. Le patient peut faire quelque chose par lui-même et pour lui-même. Il reprend l’initiative et le contrôle. C’est une réponse au sentiment d’impuissance, grande source de souffrance dans les situations de fin de vie, déterminante pour consolider, construire ou reconstruire l’équilibre physique et psychique du patient. En soins palliatif où l’attention soignante est étendue aux proches et donne lieu à un soutien formalisé, ce qui donne des résultats appréciables chez les patients va aussi produire ses effets bénéfiques chez leurs familles. L’anxiété, la tristesse, les tensions et les conflits sont mieux approchés par ces simples modifications apportées à l’art de communiquer voire à l’apprentissage d’exercices structurés. Autre bénéfice, les soignants eux-mêmes observent une amélioration de leur propre « confort » au travail. Ce point intéresse bien sûr en ce qu’il participe à la prévention de l’épuisement professionnel, risque réel en USP. Plus encore, il permet de construire une plus grande implication et attention soignante, c’est-à-dire d’améliorer la qualité des soins, tant il est vrai qu’on soigne mieux quand on va bien et qu’on sait prendre soin de soi.

SIMPLIFICATION ET PERSPECTIVES

L’expérience clinique, l’écoute et l’observation attentive des patients nous ont appris avec un même bénéfice à simplifier et adapter l’outil aux situations complexes. Le recours à un souvenir agréable, par exemple, technique classique, s’est très vite révélé bloquant pour des patients en crise aiguë de douleur, de dyspnée ou de détresse.

Pour lire la suite…


JEAN BECCHIO Médecin généraliste, praticien consultant des Hôpitaux de Paris (soins palliatifs, psychiatrie). Directeur du DU d’Hypnose clinique Paris XI. Formé à l’hypnose clinique par le Dr Jean Godin, il est un des fondateurs de l’Association française pour l’étude de l’hypnose médicale (AFEHM) dont il est maintenant président d’honneur. Il exerce une activité de formateur dans le nouveau champ des Thérapies d’activation de conscience. Membre fondateur du Collège international de thérapies d’activation de conscience (CITAC). Jean Becchio enseigne en France et à l’étranger. Responsable de l’enseignement clinique du CITAC. Auteur de livres sur l’hypnose, la médecine chinoise, le qi gong.  

SYLVAIN POURCHET Médecin généraliste. Chef de service de l’unité de soins palliatifs de l’Hôpital Paul-Brousse (APHP) Villejuif et du DU de Soins palliatifs (Paris XI) 2005-2015. Responsable pédagogique du DIU d’Hypnose médicale et de Techniques d’activation de conscience (Paris XI). Vice-président du CITAC.


 

 Pour commander la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°59

Revue Hypnose Therapies Breves 59Cinq scripts créatifs détaillés


Edito : Julien Betbèze

L’hypersuggestibilité. Au service de l’hyposuggestibilité. Dominique Megglé

Script créatif détaillé : 20 minutes pour se libérer du tabac. Hypnose en médecine générale. Françoise Barthès

Script créatif détaillé : Du trauma à la résilience. Par la thérapie du lien et des mondes relationnels. Stéphane Roy

Script créatif détaillé : La sphère relationnelle. Travailler la distance en hypnose. Corinne Paillette

Nicolas de Staël : Peindre et se dépeindre. Franck Salzmann

En couverture. Céline Saby. Poésie et fleurs, ça fait du bien. Sophie Cohen

Espace douleur

Editorial. Gérard Ostermann

Script créatif détaillé : Travail en hypnose avec des mineurs immigrés. Stéphanie Delacour

Script créatif détaillé : Hypnose et handicap. Du traumatisme à la créativité. Christelle Lecellier

Dossier : Les soins palliatifs

Editorial : Francine Hirszowski

Les TAC en soins palliatifs. Jean Becchio et Sylvain Pourchet

Psychomotricité. Bouger… je le veux. Patrick Martin

Les techniques hypnotiques à l’hôpital de Bourg-en-Bresse. Vianney Perrin

Infirmière en Ehpad. Valérie Etchevers

Rubriques

Quiproquo… « Prenez soin de vous, Docteur » Stefano Colombo et dessin de Muhuc

Les champs du possible : Docteur, je tiens à vous dire que je fais le poireau… Adrian Chaboche

Culture du monde : Jeux de guérison dans le sud de l’Iran. Sylvie Le Pelletier-Beaufond

Les grands entretiens : Stephen R. Lankton. Gérard Fitoussi

Livres en bouche
Popup Button