Thérapie de deuil. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 69.

Revue Hypnose et Thérapies Brèves 69 François CARTAULT
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La création du sens.

Nous avons vu dans le précédent numéro comment la création du lien avec la personne défunte participait au travail de deuil. Nous allons montrer maintenant comment la création de sens à partir de cette relation va soulager la souffrance de la personne endeuillée.

DEUIL ET CRÉATION DE SENS


Suite du travail thérapeutique avec Madame D., récemment veuve en 2020, déprimée au sens médico-psychologique (voir « Hypnose & Thérapies brèves » n° 68).
- Thérapeute : « Alors j’aimerais savoir s’il y a des moments là, maintenant, aujourd’hui où ça serait utile de vous rappeler de tout ça, de ce qu’il disait sur vous, de ce qu’il a perçu en vous : de votre gentillesse, de votre tolérance... mais spontanément, dans la tête comme ça, est-ce que ça serait utile pour vous et comment ça serait utile pour vous ?
- Patiente : Mais c’est utile dans la vie de tous les jours parce qu’on est obligé de côtoyer des c...s tous les jours, j’arrive à faire avec tout le monde...
- Th. : Donc vous vous rappelez de ce qu’il a perçu en vous, vos qualités, la tolérance et la gentillesse notamment, donc ça renforce le fait de continuer à faire avec vos qualités, qu’il a perçues en vous, c’est utile ?
- P. : Oui, il me le disait tellement souvent que ça m’est rentré dans la tête, je me rendais pas compte que j’étais comme ça.
- Th. : Donc ça revient spontanément tous les jours comme ça, les qualités qu’il a perçues en vous, quand vous me dites avec “tous ces c...s qu’on côtoie tous les jours”, vos valeurs de tolérance, qu’il avait perçues en vous reviennent... OK... il y aurait d’autres moments qui vous reviennent où c’est utile de vous rappeler de ces qualités qu’il a perçues en vous ?
- P. : Oui... la gentillesse aussi je pense que c’est quelque chose qui... est toujours utile... les gens le sentent et sont sensibles à ce genre de choses : j’ai des rapports plus faciles...
- Th. : Vous pensez à quelqu’un en particulier quand vous dites ça ? Voilà, quand vous me dites “j’ai des rapports plus faciles avec des gens grâce à cette gentillesse que mon mari avait perçue en moi ?...
- P. : Je pense à sa mère que je voyais tous les quinze jours, que j’ai toujours supportée, parce qu’elle était pas facile et qu’elle m’adorait parce que je faisais ça par gentillesse et pas parce que j’étais obligée de le faire... »
- Th. : « OK, bon, très bien. . . Et aujourd’hui, là, d’autres circonstances où c’est utile de vous rappeler de ces qualités qu’il a perçues en vous ?
- P. : Aujourd’hui, pour l’instant, je suis encore dans la période où je ramasse des forces pour continuer et donc... ça me facilite les rapports avec les gens...
- Th. : Quand vous me dites “ça me facilite les rapports avec les gens”, vous avez un exemple pour l’illustrer ?
- P. : Oui, dans les relations sans conflits car puisque je n’aime pas les conflits, je laisse les gens dirent ou faire ce qu’ils ont envie de faire même si c’est des choses méchantes, je vais pas aller à leur rencontre et me bagarrer avec eux car j’ai pas les moyens de faire ça aujourd’hui. Et de toute façon j’ai jamais eu les moyens de le faire car c’est pas dans ma nature et donc ça m’ouvre un peu plus vers les gens.
- Th. : “Ça m’ouvre un peu plus vers les gens” de vous rappeler vos qualités qu’a perçues votre mari... et vous pensez à une relation en particulier, là, aujourd’hui ?
- P. : Non.
- Th. : Bon OK... Alors, en quoi le fait de vous rappeler ces mots de votre mari à votre encontre, ces qualités qu’il a perçues en vous, en quoi ça peut vous aider aujourd’hui, là, maintenant ?
- P. : Et je sais pas…
- Th. : En quoi ça peut vous aider aujourd’hui, là, maintenant ? Plus précisément... vous m’avez dit “ça peut m’aider à gérer les conflits” et que cela ouvrait sur le plan relationnel : de cultiver des relations qui perçoivent elles aussi votre gentillesse, donc ça vous aide, là concrètement aujourd’hui ?
- P. : Oui, ça m’aide... C’est sûr que si j’étais méchante je me retrouverais plus seule que je ne suis aujourd’hui... voilà... j’ai beaucoup de gens qui m’invitent pour aller chez eux, pour passer des soirées avec eux, ça c’est la preuve qu’ils m’apprécient, mais à part ça je ne vois pas. Il y a bien le directeur de l’établissement que mon mari a fait construire qui m’invite pour l’inauguration, mais je suis pas prête...
- Th. : C’est déjà pas mal, non ? Ça vous aide à gérer les conflits et ça vous aide à avoir de bonnes relations avec des gens qui sont gentils et qui partagent cette qualité avec vous, donc c’est très utile de se rappeler ces qualités que votre mari a perçues en vous pour éviter les conflits, pour avoir de bonnes relations avec des gens gentils, et ouvrir sur le plan relationnel. Et puis vous m’avez parlé de ce directeur de l’établissement que votre mari a fait construire, et en quoi ce que votre mari a perçu en vous pourrait vous aider ou peut vous aider à mieux gérer cette invitation ? Autrement dit, qu’est-ce qu’il penserait votre mari s’il était là physiquement de ce que vous vivez avec ce directeur ?
- P. : Ah, je ne sais pas ce qu’il penserait... moi je pense qu’il aurait aimé que j’aille de l’avant, que je refasse ma vie et que je passe à autre chose. Sa curiosité, son goût pour l’art, ça pourrait m’inciter à voyager mais il n’est plus là, qui va m’accompagner ? Quelqu’un d’autre qui ne partage pas les mêmes choses ? Voilà, je me sens seule... ça c’est pour donner un exemple... quand je vais aller voir des musées, il va me manquer... »
- Th. : « Oui, il va vous manquer physiquement, c’est évident... par contre ses valeurs partagées vous pouvez les rendre encore plus vivantes, vous pouvez les revivre avec d’autres personnes et vous pouvez prendre des initiatives autour de ces valeurs, la sincérité, la facilité du contact, la curiosité, le goût pour l’esthétique, c’est vivant, c’est pas mort tout ça ?
- P. : Non.
- Th. : Donc, quel effet ça aura sur vous quand vous arriverez à rendre ces valeurslà plus vivantes, à les réactualiser ? Parce que tout ça c’est tout à fait typique de ce que vous avez vécu avec lui, donc il s’agit de le rendre encore plus vivant, de le réactualiser, quel effet ça aurait sur vous ?
- P. : Je sais pas répondre... Parce que c’est mes valeurs à moi... c’est ça qui...
- Th. : ... et à lui aussi : ce sont des valeurs partagées...
- P. : ... à lui aussi, oui, mais c’est pas des choses que j’ai forcément apprises avec lui, ce sont des choses que j’ai partagées avec lui...
- Th. : Partagées... Prenons ce mot : partagées. Ce que vous avez partagé avec lui, ce sont à la fois les vôtres et les siennes, donc le fait de rendre ce partage, cette relation vivante pour que vous puissiez avoir des effets positifs de ces valeurs puisque ce sont les vôtres et celles que vous avez partagées avec lui... donc qu’est-ce qui peut changer par rapport à ça ?
- P. : Mais je ne suis plus avec lui et quand je partage avec d’autres, avec mon neveu par exemple, je discute de la politique de la société française, bon... mais je suis seule à argumenter, mon mari aurait enrichi autrement.
- Th. : Comment il aurait enrichi autrement ?
- P. : Je ne sais pas... il me manque aussi dans ces discussions-là...
- Th. : Justement, j’aimerais savoir quel effet ça aurait sur votre mari s’il vous voyait, vous entendait parler avec votre neveu de la politique, de la société française ? S’il vous entendait parler de vos valeurs, de ces valeurs que vous aviez en commun ? Ces valeurs typiques de votre relation à tous les deux... dans votre manière de faire, votre manière de discuter, de découvrir le monde, de parler du monde, s’il était là, ça lui ferait quoi ?
- P. : Il aurait aimé participer et aussi défendre des choses différentes, mais je pense qu’il aurait été très proche de ce que moi je pense... Il n’aurait pas été d’accord tout le temps, mais ça aurait été proche...
- Th. : Et s’il était présent aujourd’hui, présent à notre conversation, quel effet ça aurait sur lui de voir que vous continuez à partager ses valeurs ?
- P. : Il se serait dit qu’on était en phase et que c’était aussi pour ça qu’il m’aimait...

 

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FRANÇOIS CARTAULT
Premier contact avec l’hypnose ericksonienne avec un élève, le Dr. Jean-Marc Amestoy à Lorient (service national dans la Marine), puis avec Jean Godin à Paris, avant de se former à l’école de Phénoménologie française à Montpellier avec le Dr. Thierry Bottaï (élève du Pr. Tatossian) pendant son internat. Il découvre les thérapies narratives à l’Institut Miméthys à Nantes. Intervenant à Toulouse pour le DIU d’hypnose depuis plus de dix ans, et plus récemment à l’Institut IMHETO dans ses domaines de prédilection : dépression et sevrage tabagique.

  

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