Introduction Espace Douleur Douceur.

Pr Gérard OSTERMANN pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74.
MICHEL RUEL (1) : SOUFFRANCE AU TRAVAIL ET HYPNOSE : AIDE À UNE PRISE EN CHARGE DE L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL
Je me fais l’agréable devoir de souligner à quel point la commission santé mentale a très bien fonctionné et le plaisir des échanges reste toujours un remède très efficace pour prévenir la souffrance au travail. La synthèse magistralement rédigée par Michel Ruel mérite une lecture attentive et s’adresse à des professionnels de santé déjà sensibilisés voire aguerris aux notions de stress, de burn out, d’hypnose... Je prendrai la liberté de focaliser mon propos éditorial sur la question de l’effondrement (burn out) et du pré-effondrement (brown out). Avant de définir ce que j’entends par préeffondrement, voici ce que serait un tableau d’effondrement. En psychologie, l’effondrement psychique d’une personne est une décompensation, une rupture d’équilibre mental à la suite d’une crise interne, un contexte dangereux ou délétère, une épreuve inattendue, une confrontation à la mort...
L’effondrement se produit souvent dans l’après-coup, une fois que le danger ait disparu mais que subsiste la peur. En psychiatrie, la décompensation ou effondrement psychique correspond à une logique de construction d’un monde à soi, fantasmatique, psychotique face à une réalité trop angoissante, tétanisante et lourde à porter. L’effondrement psychique est une situation terriblement préoccupante qui est du ressort du psychiatre et de la prise en charge éventuelle dans un milieu spécialisé. L’effondrement est évocateur d’écroulement, de déclin et même d’extinction de toute chose y compris de soi. L’effondrement possède un caractère drastique, c’est-à-dire qu’il est sans demi-mesure, quasi absolu, synonyme de cataclysme et annonciateur de la fin effective ou proche. L’exigence sociétale nous rend encore plus vulnérables à la chute.
L’effondrement est aujourd’hui moins lié à une question de fatigue physique qu’à un problème de lassitude psychique qui retentit sur l’humeur et le bien-être corporel. Le culte de l’excellence étant exigeant, l’incapacité à l’atteindre peut engendrer de la honte et de la sous-estime abyssale de soi. L’énergie considérable utilisée pour cacher ou taire cette honte voire cette culpabilité de ne pas accomplir sa vie épuise psychiquement et physiquement (2). Au stade du « pré-effondrement », il est possible d’enrayer ce cercle vicieux par la psychothérapie de soutien qui représente un étayage. Ce terme fait partie du registre de la physique de pression étudiée lors des crashs, à savoir que le mode de ruine d’un corps (creux) regroupe une phase de pré-effondrement, une phase d’effondrement et une phase de posteffondrement. En haut de l’échelle, je mets black out qui est synonyme d’extinction, terme qui n’est pas du langage psy mais qui vient de l’électricité. C’est la fin et donc le degré ultime. Le burn out est juste avant quand tout brûle. On sait que le burn out (le fait de flamber) est le syndrome d’épuisement professionnel majeur (ou familial dans le cas des aidants d’handicapés ou de malades) qui résulte d’une surcharge de travail. (Péter les plombs : encore un terme d’électricité.) Il n’est pas forcément synonyme de dépression quoi qu’un état dépressif puisse lui être associé. Le brown out, quant à lui, est la forme d’épuisement professionnel due à la perte de sens communément rencontrée chez les cadres et employés qui en ont ras-le-bol. Il est provoqué par la perte de sens en la stratégie, de la tactique et des actions. Soit on supporte, on défoule, on fait le minimum vital, ou bien on devient agressif et on envoie tout balader. On a des arrêts de travail multiples. Le goût et l’envie disparaissent. On emploie aussi un autre terme anglais qui est le bore out (tout est gris et sans saveur) qui précéderait le brown out : l’ennui, la lassitude s’installent. Le bore out est une forme d’épuisement professionnel comparable au burn out mais il provoqué par l’ennui et une sous-charge de travail.
Le bore out qui précéderait le brown out serait pré-burn out ou une forme insidieuse de burn out. On peut imaginer quatre stades qui s’interpénètrent d’ailleurs dans le processus de cet effondrement progressif ; c’est plus précis en anglais. Après le bore out (ennui, lassitude, défaitisme, perte de confiance), du brown out (perte de sens) ou avant de broyer du noir et de s’effondrer (burn out ou black out), la personne va broyer du marron, c’est-à-dire une phase de désillusion et de « ras-le-bol ». Avant l’extinction brutale et totale des lumières ou le black out, le brown out représente une baisse de régime en demi-teinte, une pénombre, accompagnée du ressentiment et d’une déception continuelle. Le sujet a perdu le sens de la vie en groupe, lâché ses repères, et vit dans l’indifférence et la tristesse son absence de perspective dans le travail notamment mais cela peut aussi se produire dans le couple. L’analogie « broyer du marron » ne vous échappera pas avec la référence excré ou excès mentale, déréliction entretenue par l’ambiance éxé-crable. Ce pré-effondrement ou brown out est porteur de pulsion de mort... et de passage à l’acte ! On se souvient qu’en 2009, France Telecom était passée au rouge au plan du harcèlement moral avec des conséquences dramatiques. Cette société rebaptisée comme le fruit est revenue à l’orange (si je peux dire), mais ce feu clignotant peut virer au marron (au brown) dans tout groupe social, entreprise, association ou institution.
Le pré-effondrement psychique dû au brown out, au harcèlement et à la carence du management, quand lui est surajouté un trauma et l’ambiance délétère d’un processus d’insécurité ambiante ne peut qu’amener les salariés à rapidement rechercher une psychothérapie de soutien. La phase de pré-effondrement est génératrice d’efforts importants et de pressions importantes sur l’objet, ce qui, par analogie, est le cas pour les sujets. Quid de l’apport de l’hypnose ? Pour accompagner le patient, il nous faut être en état de disponibilité, d’attention totale au patient, on est soi-même dans un état de transe focalisé sur le patient, cet état de transe induit sans rien faire déjà un état de transe chez le patient. Notre posture est un état d’adaptation, de souplesse, on se met dans les « pantoufles du patient ». C’est aussi un état d’empathie, état dans lequel on va percevoir la souffrance de l’autre sans se laisser hypnotiser par elle. Notre posture est aussi une attitude de patience, il faut savoir attendre et repérer ce moment où le patient est prêt pour entendre une suggestion, prêt pour un recadrage.
MORGANE MONNIER : La psychomotricité comme support thérapeutique Utilisation ici de l’hypnose (Rossi et question miracle) pour donner du sens au dialogue tonico-émotionnel... Mathilde évoque brièvement le décès de sa grand-mère qui a été assassinée par son grand-père quand elle avait 10 ans. Ceci n’est pas du tout anodin. J’ai pensé en lisant cette phrase que l’attitude de son grand-père est à vomir ! Emétophobe : elle a peur de vomir ou ne pas supporter qu’un autre vomisse. Morgane Monnier nous présente ici un travail remarquable qui intègre dans l’espace thérapeutique le questionnement narratif et la question miracle. C’est parce que Morgane Monnier a su créer une dimension sécure, que la patiente a pu aller vers une autonomie relationnelle. Cette observation invite également à travailler sur le trauma voire transgénérationnel. Vomir, extirper, rejeter de son corps ce qui est indigeste. La parole est, par extension, une vomissure qui vide le tropplein, le trop plaint de ce que l’on nous a obligé à avaler (nourriture-poison si grand-mère est morte de cela) ; les choses toxiques, notamment l’histoire du grand-père (paternel ou maternel ?) toxique par la parole. Il nous paraît essentiel de souligner comment le travail avec le corps et l’imaginaire, en intégrant la dimension intentionnelle, redonne la parole au corps en lui permettant de redevenir vivant.
NOTES 1. Article rédigé en collaboration avec la commission « santé mentale » de la CFHTB, médecins, médecins psychiatres, psychologues, infirmier : Dr Maxime Bellego, Dr Guillaume Belouriez, Marie-Jeanne Bremer, Barbara Briqmane, Pierre-François Gonot, Dr Emilie Legros- Lafarge, Pr Gérard Ostermann, Dr Thierry Sage. 2. Ostermann G., Lesoeurs G., « L’effondrementpsychique et sociétal : ne pas tomber en dessous de soi-même », Hegel, 2022/4 (n° 4), pp. 327-333.
Pr Gérard Ostermann
Professeur de thérapeutique, médecine interne, psychothérapeute. Administrateur de la Société française d’alcoologie, responsable du diplôme d’université de Pathologie de l’oralité, Bordeaux 2.
La puissance thérapeutique de la relation humaine
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :
Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.
. Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.
. Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.
. Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.
. Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par, Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.
. Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».
. Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .
A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.
. Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).
Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».
. Livres en bouche du mois.
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